Zhao Wenliang et Yang Yushu se sont connus en 1959. Tous deux fils de “contre-révolutionnaires” dans la Chine communiste, et poursuivis comme tels après avoir vu persécuter leurs pères, ils ont trouvé dans la peinture un mode de résistance et d’existence. Parias au pays de Mao, ils ont appris leur métier en autodidactes avant de devenir les chefs de file d’un petit groupe d’artistes dissidents, aujourd’hui dissous, tout en gagnant leur pitance comme ouvriers. Avec l’essor du capitalisme national et la mondialisation, l’argent, dit Yang, a eu raison d’une solidarité que la répression politique n’avait pu briser. Mais au 21e étage de la tour de banlieue qui leur a été assigné après la démolition de leur maison, les deux amis restent fidèles à leurs principes et à leur mode de vie d’autrefois. Indissolublement associés, car “quand la société vous rejette pareillement, cela crée des liens”, ils traversent à pas paisibles le Pékin survolté d’aujourd’hui, scrutant avec curiosité les visages changeants de leur ville. Ou égrènent leurs souvenirs en regardant les paysages des tableaux innombrables qu’ils n’ont jamais voulu vendre, parce qu’ils contiennent “toute leur vie”. Précis, modestes et ironiques, Zhao et Yang racontent tour à tour avec vivacité un demi-siècle de cette histoire du communisme qu’ils ont subie dans leur chair. De belles photos en noir et blanc, les couleurs délicates de leurs peintures et les petits moments de leur vie partagée, qu’ils laissent filmer avec un grand naturel, constituent la matière de ce portrait contemplatif. Fang Yu et Monika von Behr ont réalisé un documentaire à l’image de leurs deux héros, attentif au détail et à la poésie des choses, empreint de douceur et de mélancolie, avec, en arrière-plan, les ombres de la Chine ancienne et nouvelle.